l'IA, vers la technologie la plus humaine?
- Audrey Lessard

- 14 nov.
- 5 min de lecture

Je remarque, autour de moi, une avalanche de points de vue dès qu’on parle d’intelligence artificielle, même avant-hier en arrivant à mon cours de pilates. Certains sont fascinés, d’autres profondément inquiets ou qui affirment détester. Moi? Et bien, je suis fascinée, sceptique ;)
Je l’avoue: je ressens parfois une forme d’« IA-anxiété ».
J'ai un petit vertige intérieur quand je vois la vitesse à laquelle tout change.
Quand je suis arrivée sur le marché du travail, les ordinateurs étaient déjà là. Je me souviens encore de mes collègues à la caisse Desjardins qui me racontaient comment, avant, elles inscrivaient manuellement chaque transaction dans un livret. Elles faisaient le total à la main, ligne par ligne, avant de fermer leur journée.
Je n’ai pas vécu ce fameux avant–après où l’on passait du papier à l’informatique. Mais aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on revit exactement ce moment-là à l’échelle collective, sauf que cette fois, c’est avec l’IA.
On nous demande d’ajuster nos méthodes, nos repères, nos façons de travailler, parfois sans réelle préparation, sans vraie transition. Alors oui, c’est normal que ça brasse un peu. C’est un changement rapide et tout le monde l’aborde à partir de sa propre expérience, de sa propre réalité.
Et soyons honnêtes: ce que j’écris ici risque peut-être de faire réagir.
J’entends déjà certaines personnes penser: « Ah non, pas encore une autre qui parle d’intelligence artificielle cette année! »
Et je comprends totalement. Il y a des gens qui sont très contre l’IA et ils ont souvent des raisons valides: peur de la perte d’emploi, questionnements éthiques, impression de perdre le contrôle sur un monde qui change trop vite, sécurité.
Mais si c’est ton cas, écris-moi.
En privé, en commentaire, peu importe. Pas parce que j'ai toutes les réponses, ce texte n'est pas un plaidoyer non plus, au contraire, je me dis simplement que c'est en parlant que ça devient moins étourdissant. Ce n’est pas un “pour ou contre”.
Je ne suis pas rendue à dire: « Allons-y 100 %, sans frein, let's go! »
Mais je dois être honnête:
dire « Je n’utiliserai jamais l’intelligence artificielle » est, à mes yeux, irréaliste.
Pas parce que tu manques de volonté. Mais parce que c’est déjà intégré dans nos systèmes, nos métiers, nos outils, nos décisions, nos services, nos téléphones, notre quotidien. La seule façon de te faire dépasser par la technologie aujourd’hui, c’est de refuser de l’apprivoiser.
Pas de l’adorer. Pas de l’adopter aveuglément. Juste: l’apprivoiser.
Pourquoi j’en parle aujourd’hui
Si je parle d’IA ici, ce n’est pas parce que c’est tendance.
C’est parce que je travaille dans le développement humain et professionnel et je vois comment l’IA va toucher chacun de nous, comme humains, comme travailleurs, comme société, comme employeur.
Et pas dans dix ans, ni dans deux, trois, cinq ans.
Les compétences valorisées hier ne suffisent déjà plus aujourd’hui. Et celles dont nous aurons besoin demain, beaucoup n’existent même pas encore.
Les métiers se redéfinissent, certains disparaissent, d’autres émergent. Et tous les secteurs ressources humaines, gestion, communication, création, services publics, vont vivre un shift majeur.
Je suis passionnée par l’évolution des gens et des équipes. Alors pour moi, c’est impossible de ne pas poser la question: comment on se prépare humainement à cette transition?
Et pour répondre, il faut d’abord comprendre ce que l’IA peut et ne peut pas faire.
Exemple concret: le CV
Prenons un exemple simple: le CV.
On le sait tous: entrer sur le marché du travail commence par un CV en bonne et due forme. Aujourd’hui, il existe des outils d’IA qui peuvent créer un CV impeccable en quelques minutes. D'ailleurs j'en ai déjà parlé dans un précédent article de blogue. Tu indiques ton domaine, tes expériences, ton objectif et hop, l’outil te remet un document professionnel, bien structuré. Bref, c'est efficace, c'est accessible.
Et ça change la donne pour beaucoup de gens.
Mais voici ce que l’on oublie trop souvent: le CV n’est qu’un outil.
L’IA peut l’écrire, mais elle ne peut pas t’aider à incarner ce qu’il contient.
Elle ne peut pas (du moins pas encore):
te préparer à parler de toi avec assurance,
te soutenir dans une entrevue stressante,
t’aider à naviguer une question sensible,
traduire ton énergie humaine,
créer une connexion,
ni te permettre d’exprimer qui tu es au-delà du texte.
Autrefois, écrire son CV était douloureux, oui, mais c’était un passage obligé: un moment où tu te confrontais à tes forces, tes choix, tes défis, ton identité. Où TU choisissais chaque mot.
Avec l’IA, ce passage peut disparaître. Le CV existe, mais le travail intérieur, non.
Résultat: on peut se retrouver avec une façade parfaite, sans la connaissance de soi nécessaire pour la soutenir.
Et ce n’est pas parce que l’IA est mauvaise. C’est parce qu’elle ne remplace pas la démarche humaine.
Une technologie inclusive, adaptative et évolutive
Ce que je trouve fascinant avec l’intelligence artificielle, c’est qu’elle réunit trois qualités que très peu de technologies ont réussi à combiner jusqu’ici: elle est inclusive, adaptative et évolutive.
Inclusive, parce qu’elle rend l’accès au savoir plus démocratique que jamais. Qu’on soit étudiant en région, nouvel arrivant, professionnel en transition ou parent qui reprend sa carrière, tout le monde peut poser une question, apprendre une compétence ou obtenir une explication de niveau universitaire. À coût nul, ou presque. C’est un changement majeur dans l’équité d’accès.
Adaptative, parce qu’elle s’ajuste réellement à toi: à ton rythme, ton style d’apprentissage, ta façon de raisonner, ton niveau de langage. Pour les personnes sous le parapluie de la neurodiversité, par exemple, c’est immense. Pour une fois, ce n’est pas l’humain qui doit s’ajuster au système, c’est le système qui s’ajuste à l’humain.
Et évolutive, parce qu’elle change avec toi. Elle apprend au fur et à mesure de tes interactions, suit ta progression, s’adapte à ton cheminement. L’humain n’est pas statique, et l’IA, étonnamment, peut suivre cette dynamique là. Elle reflète que chacun de nous est une trajectoire, pas une étiquette.
Et ça, à mes yeux, c’est profondément humain.
Petite nuance nécessaire: parce que oui, il faut aussi se challenger
Et je vais me challenger moi-même ici, parce que c’est important.
L’inclusion, l’adaptation et l’évolution technologique, ce ne sont pas des concepts “nouveaux-nouveaux”. On les a déjà vus, sous d’autres formes.
Internet, avant l’IA, avait déjà démocratisé l’accès au savoir. Certaines technologies s’adaptaient déjà à leurs utilisateurs. D’autres évoluaient déjà par mises à jour.
Mais la différence, celle qui, pour moi, change tout, c’est que l’IA combine ces trois dimensions en même temps et surtout, qu’elle le fait à l’échelle humaine.
Là où Internet donnait accès à l’information, l’IA la rend compréhensible. Là où les outils d’accessibilité adaptaient des fonctions, l’IA s’adapte à ta façon de penser. Là où les technologies évoluaient par version, l’IA co-évolue avec toi, en temps réel.
Ce n’est pas que l’IA invente tout. C’est qu’elle amplifie, accélère et humanise des fonctions qui existaient déjà, mais de façon fragmentée.
Et c’est cette combinaison là qui la rend aussi intrigante, aussi puissante, et oui, aussi dérangeante et polarisante.
L’IA ne remplacera jamais l’humain
Soyons clairs: l’IA ne remplacera jamais la chaleur d’un regard, la nuance d’une conversation, la présence, la confiance, la connexion, la relation.
Ce n’est pas une relation. C’est un outil.
Mais un outil qui, bien utilisé, peut devenir humanisant: en ouvrant la porte à plus d’accès, plus d’équité, plus d’adaptation, plus de compréhension des différences.
Et ça, pour moi, c’est le début d’une réflexion que j’ai envie de poursuivre.
Avec toi, avec mes clients, autour de moi.
Parce que c’est notre réalité de demain et déjà un peu d’aujourd’hui.


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